PRIX DU CHAUFFAGE ET DES CARBURANTS : CE MéCANISME EUROPéEN QUI POURRAIT LES AUGMENTER, DèS 2027

ANALYSE- D'ici trois ans, les consommateurs vont devoir payer plus cher leur chauffage et leur carburant d'origine fossile dans le cadre de la mise en place d'un second marché carbone. La directive est déjà votée, mais les résultats des élections européennes peuvent-elles la remettre en question ?

Attention, sujet explosif ! Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez aucun candidat aux élections européennes abordant de lui-même la question de l’extension du marché carbone, ce dispositif qui oblige les industriels du continent à compenser leurs activités polluantes. Et pour cause, cela devrait se traduire par une hausse, dès 2027, du prix des carburants et du chauffage pour une partie des 460 millions de résidents européens. Ce qui promet d’être particulièrement impopulaire.

Le marché carbone, c’est un peu l’arme fatale de l’Union européenne pour réussir sa transition énergétique. Dès 2005, l'UE avait en effet mis en place une première version de ce dispositif, pour inciter certains secteurs à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le mécanisme est simple : chaque entreprise se voit attribuer un plafond d’émissions, régulièrement revu à la baisse. Si elle le dépasse, elle doit compenser, en achetant aux enchères des quotas carbones. A l'inverse, si elle n'atteint pas son plafond, elle peut alors vendre ses quotas devenus disponibles à d’autres participants du marché, qui ont auraient besoin. Or, jusqu’à aujourd'hui, seuls les secteurs de la production d’énergie, de l’industrie lourde, de l’aviation, du maritime (depuis janvier 2024), de la production de chaleur et du traitement des déchets étaient soumis à ce mécanisme.

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L'objectif est de réduire nos émissions de 42% d'ici 2030

Mais l’Europe a décidé de compléter ce système, en instaurant dès 2027 un second marché carbone, qui visera cette-fois la partie plus en aval des pollueurs, à savoir les usagers. L'objectif est de réduire nos émissions de 42 % d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2005. Pour cela, l’idée est désormais de cibler les secteurs du bâtiment et du transport routier, et par ricochet les modes de chauffage comme les carburants d’origine fossile. «Concrètement, les fournisseurs d’énergies d’origine fossile et les stations d’essence vont devoir payer un coût supplémentaire, qui sera répercuté sur nos factures d'énergie ou dans les prix à la pompe», explique Anna Creti, directrice de la chaire d’économie du climat à l’Université Paris Dauphine. Mais les simples consommateurs ne seront pas les seuls pénalisés. «Les installations industrielles qui ne tombaient pas encore sous le coup des quotas mais aussi les artisans, comme le boulanger de quartier qui fait son pain, seront également concernés à partir du moment où ils ne sont pas décarbonés», complète Christian de Perthuis, économiste et auteur du livre Carbone fossile, carbone vivant aux Éditions Gallimard.

Quelles seront les conséquences concrètes pour les Français de cette mesure européenne ? Il faut d'abord savoir qu'ils ne seraient pas les plus touchés sur le continent. La France a en effet déjà instauré une taxe carbone sur les énergies fossiles, qui s’élève à 44 euros par tonne de CO2. Et qui est d'ores et déjà intégrée au prix final de l’essence, du gazole, du fioul ou du gaz naturel. Or, le nouveau marché européen va d'abord être limité à un prix de 45 euros la tonne... Pas de panique donc, du moins dans l'immédiat. Car les choses pourraient changer dès 2030, qui verra ce plafond tarifaire sauter. Par ailleurs, une étude prospective de WWF réalisée en novembre 2022 démontre qu'il faut tout de même s'attendre à des perdants, dans tous les pays. Les ménages aux plus faibles revenus seraient les plus pénalisés, mais pas seulement. Le texte cite aussi en exemple les «ménages ruraux, voire périurbains en France, en raison de leur dépendance à l’égard des voitures particulières et parfois du mazout ou d’autres systèmes de chauffage à base de combustibles fossiles».

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Un Fonds social pour le climat pour aider les plus vulnérables

Comme le souvenir de la révolte des gilets jaunes est encore dans toutes les têtes, l'Europe va en parallèle constituer, dès 2026, un Fonds social pour le climat (FSC) doté de 86,7 milliards d’euros, pour amortir cet impact sur les plus vulnérables. Il sera alimenté par une partie des recettes perçues sur ce nouveau marché carbone. Les États membres pourront en utiliser une partie pour des investissements dans l'efficacité énergétique et la rénovation des bâtiments. Mais aussi choisir de verser directement une compensation à certaines catégories de population. Les modalités de redistribution ne sont toutefois pas encore arrêtées. «La bonne réforme serait de faire une compensation forfaitaire par habitant, en fonction du niveau de revenus et en cash. Pas comme le chèque énergie», propose Christian de Perthuis.

Rien ne prouve d'ailleurs, dans le cas où les élections européennes du 9 juin prochain viendraient remodeler la composition du Parlement, que ce nouveau marché carbone ne soit pas remis en question. Une partie de la gauche française, Les Ecologistes et La France insoumise, mais aussi le Rassemblement national, avaient en effet voté, en avril 2023, contre cette extension du marché carbone. Or, le RN pourrait gagner un nombre considérable de représentants lors de cette nouvelle mandature. Une hypothèse malgré tout peu probable pour les spécialistes. «La directive est déjà inscrite dans le marbre, la discussion entre le Parlement, le Conseil et la Commission est close. Il ne manque plus que la phase technique d’application des décrets. Il serait difficile et coûteux de revenir en arrière même si pas totalement impossible», prévient Anna Creti. «Il est plus probable que certains parlementaires jouent la montre et parviennent à retarder le processus». Le texte avait de toute façon prévu qu’en cas de hausse trop importante des prix de l’énergie en 2026, l’entrée en application serait retardée d’un an.

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