CHôMAGE, CONDITIONS DE TRAVAIL… LES PISTES DéJà SUR LA TABLE POUR BOOSTER L’EMPLOI DES SENIORS

La négociation entre syndicats et patronat sur l’emploi des seniors devrait bientôt démarrer. Voici les principales pistes déjà avancées par les partenaires sociaux (et le gouvernement) pour favoriser le maintien en activité de ces salariés.

Les négociations sur l’emploi des seniors devraient bientôt être lancées. Selon le ministère du Travail, le gouvernement devrait envoyer ce mardi 21 novembre un document visant à orienter les discussions des partenaires sociaux sur le sujet - et non pas imposer un cadre restreint, contrairement à la négociation sur l’assurance chômage. Autres grands thèmes qui seront également abordés dans ce texte : l’usure professionnelle et la mise en place d’un compte épargne-temps universel, promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Sur la seule question des seniors, l’enjeu est très important. L’objectif, d’après les informations des Echos, serait de prévoir un ensemble de mesures permettant de porter le taux d’emploi des 60-64 ans de 36,2% actuellement à 65% d’ici 2030.

Elisabeth Borne, la Première ministre, l’avait promis en juillet dernier, à l’issue d’une rencontre avec les leaders de chaque organisation syndicale et patronale : l’accord éventuellement trouvé par les partenaires sociaux sur l’emploi des seniors sera fidèlement retranscrit dans la loi. Les organisations syndicales et patronales auront jusqu’à mars ou avril 2024 pour s’entendre sur un texte commun. Si les partenaires sociaux attendent de recevoir le document d’orientation du gouvernement pour savoir quelles mesures précises ils pourront proposer, chaque organisation a déjà eu l’occasion d’avancer de premières pistes d’évolution, notamment lors des débats sur la réforme des retraites, qui décale progressivement l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.

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En attendant le lancement officiel de la négociation sur l’emploi des seniors, Capital fait donc le point sur les principales propositions des partenaires sociaux et du gouvernement en la matière. Avant toute chose, Eric Courpotin, le négociateur pour la CFTC, insiste : «Il faudrait, une bonne fois pour toutes, apporter une définition unique de ce qu’est un senior car aujourd’hui, plusieurs âges peuvent être retenus (45, 53, 55 ans…).»

Instaurer un index seniors

La négociation sur l’emploi des seniors sera sûrement l’occasion pour les partenaires sociaux d’aborder des sujets déjà évoqués dans le cadre de la réforme des retraites. A l’origine, le gouvernement avait notamment prévu d’intégrer à sa réforme la création d’un «index seniors», un outil visant à mieux contrôler le maintien dans l’emploi des salariés les plus âgés. Inspiré de l’index de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ce dispositif visait à imposer aux plus grandes entreprises de publier, chaque année, le score obtenu en matière d’emploi des seniors, sous peine de sanction financière.

Mais la mesure a été considérée comme un «cavalier social» par le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 14 avril dernier. L’index seniors n’a donc pas pu voir le jour dans le cadre de la réforme des retraites et sa mise en place a été renvoyée à plus tard par l’exécutif. Pas sûr, toutefois, que les discussions entre les partenaires sociaux aient une issue favorable pour la création d’un tel outil. Si les syndicats ne sont pas opposés au principe d’un meilleur contrôle des comportements des entreprises en matière d’emploi des seniors, ils remettent toutefois en cause l’efficacité du dispositif.

Certes, l’index seniors «permettrait d’objectiver et de mieux lutter contre les discriminations en lien avec l’âge», estime la CFTC dans un article publié sur son site, le 28 septembre dernier. Mais la CGT alerte sur le fait que «cet indicateur n’a aucune raison d’être efficace» car il laisse «toute latitude aux entreprises pour construire leur propre supercherie», peut-on lire dans une note d’analyse de l’organisation syndicale. La CGT s’appuie ici sur l’expérience passée de l’index égalité hommes-femmes, «un indicateur qui laisse à chaque entreprise la liberté de classer ses métiers dans les catégories qui l’arrangent et permet ainsi de masquer les inégalités salariales». Même son de cloche à la CFDT : «L’index proposé par le gouvernement ne suffit pas. Il faut des mesures qui vont au-delà de l’incitatif, avec plus de contrôles. On voit bien aujourd’hui que se reposer sur la seule bonne volonté des entreprises ne suffit pas», déclare Yvan Ricordeau, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail, dans une vidéo publiée en avril dernier, en plein débat sur la réforme des retraites.

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De son côté, le patronat - Medef en tête - s’est très vite prononcé contre l’index seniors. Une position maintenue dans le cadre de la future négociation sur l’emploi des seniors. «Tant que les index seront conçus comme des instruments punitifs et non pas des instruments d’identification des problèmes et d’élaboration de solutions, nous nous opposerons systématiquement à cette très mauvaise idée qui va polluer le code du travail», déclare Eric Chevée, de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), interrogé par Capital.

Mettre en place un CDI senior assorti d’une baisse de charges

Autre mesure portée par le gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites : l’expérimentation d’un CDI senior. Mais, comme l’index dédié à ces salariés, la mesure a été retoquée par le Conseil constitutionnel et donc renvoyée à la négociation entre les partenaires sociaux. Là encore, les discussions s’annoncent compliquées entre les organisations de salariés et d’employeurs. Cette fois, le patronat se dit favorable à un tel dispositif : «Nous aimerions bien voir se développer un contrat senior dans le cadre duquel une entreprise s’engagerait à maintenir un senior en activité jusqu’à son départ à la retraite au taux plein, en contrepartie de certains avantages, comme une baisse de charges», explique Eric Chevée.

A l’inverse, les syndicats s’opposent à la création d’un contrat de travail dédié aux seniors. Par exemple, «la CFTC écarte toutes les pistes conduisant à une modération salariale ou à une exonération de cotisations pour les salariés de 55 ans et plus. Ces mesures, si elles étaient appliquées, s’apparenteraient en effet à identifier les seniors comme des salariés à bas coût pour l’entreprise», écrit l’organisation syndicale sur son site.

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Réduire les droits au chômage des seniors

Sans attendre le lancement officiel de la négociation entre les partenaires sociaux, certains membres du gouvernement ont d’ores et déjà avancé des pistes de mesure visant à soutenir l’emploi des seniors. Dernier en date à l’avoir fait, Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, a déclaré vouloir «mettre fin à des dispositifs d’indemnisation du chômage qui nourrissent les départs anticipés, voire les licenciements, et contribuent au chômage des seniors», dans un entretien accordé à La Tribune Dimanche, ce 19 novembre. Le locataire de Bercy vise notamment ici un «avantage» accordé aux seniors en matière de chômage : les plus de 55 ans bénéficient d’une durée d’indemnisation plus longue (27 mois, soit 822 jours calendaires) que les autres demandeurs d’emploi (18 mois, soit 548 jours calendaires pour les moins de 53 ans, ou 22,5 mois, soit 685 jours calendaires, pour les allocataires âgés de 53 à 54 ans).

La question des «préretraites Unédic» risque également d’être abordée dans le cadre de la négociation sur l’emploi des seniors. «Nous ne voulons plus en entendre parler. Ce n’est pas à l’assurance chômage de financer les fins de carrière», affirme Eric Chevée. Comprendre : la CPME veut mettre un terme à la mesure. Car aujourd’hui, les demandeurs d’emploi d’au moins 62 ans peuvent bénéficier, sous conditions, d’une prolongation de leur indemnisation chômage jusqu’à l’âge de liquidation de leur retraite à taux plein. De quoi éviter à ces publics une période sans ressource avant de pouvoir toucher leur pension de retraite. Si dans le cadre de la mise en place de la réforme des retraites, le ministère du Travail a assuré que le dispositif n’évoluerait pas, son maintien sera donc remis en cause lors de la négociation sur l’emploi des seniors.

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Renforcer les efforts en matière de formation des salariés seniors

Voilà un sujet sur lequel les partenaires sociaux sont unanimes : la formation des seniors doit être intensifiée. «Si on écarte ces salariés de la formation, on ne prend pas en compte le fait qu’à 55 ans, on a encore beaucoup d’années à passer en activité dans une entreprise», signale à Capital Olivier Guivarch, le négociateur pour la CFDT. Dans une note publiée en mars dernier, la CGT appelle ainsi à «mettre l’accent sur la formation des salariés en seconde partie de carrière pour éviter l’obsolescence de leurs savoirs et savoir-faire» et à «abonder le CPF (compte personnel de formation, NDLR) pour les salariés perdant leur emploi après 45 ans».

Côté patronat, le Medef, qui se fait plus discret sur les propositions qu’il compte faire en matière d’emploi des seniors, se dit tout de même favorable, aussi, au renforcement des efforts sur la formation des salariés seniors. L’organisation patronale aimerait également réinstaurer un entretien obligatoire de mi-carrière (après 45 ans), un dispositif en place dans les années 2000 puis supprimé en 2014, qui permettait notamment d’accompagner les seniors en matière de formation. Une proposition également soutenue par la CGT, pour ne citer qu’elle.

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Aménager les fins de carrière des salariés

Plus globalement, les partenaires sociaux vont plaider pour un aménagement des fins de carrière. «On peut imaginer un ensemble de mesures qui touchent aux conditions de travail et à la pénibilité. La question de la prévention est donc importante car il faut traiter le sujet bien avant 55 ans : dans certains emplois, par exemple, c’est dès 40 ans qu’il faut envisager une reconversion professionnelle pour le salarié», illustre Olivier Guivarch.

Contactée, la CFE-CGC ne souhaite, de son côté, pas s’exprimer tant que le gouvernement n’a pas envoyé son document d’orientation de la négociation sur l’emploi des seniors. Mais l’organisation syndicale a dévoilé plusieurs pistes dans un communiqué publié fin 2022, lorsque la question de l’emploi des seniors était déjà abordée dans le cadre du débat sur la réforme des retraites. Le syndicat des cadres propose, par exemple, d’inciter les entreprises à négocier davantage «des dispositifs de conditions de travail aménagées en fin de carrière», tels que le télétravail, l’octroi de congés ou RTT supplémentaires, ou encore la mise en place de la semaine de quatre jours. «Développer ces outils serait un facteur de maintien dans l’emploi des seniors face à l’usure professionnelle, et faciliterait la continuité de leur implication», garantit la CFE-CGC.

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