ANNULATIONS DE VOLS EN PAGAILLE MALGRé LA LEVéE DE GRèVE DE DERNIèRE MINUTE DU SYNDICAT MAJORITAIRE DES CONTRôLEURS AéRIENS

[Article publié le mardi 24 avril 2024 à 11h00 et mis à jour le jeudi 25 avril à 16h06] C'est un coup réussi pour le syndicat majoritaire des contrôleurs aériens (SNCTA). Le trafic fonctionnait au ralenti jeudi matin en France en raison des suppressions de vols demandées aux compagnies aériennes pour faire face à une grève, alors que le préavis a finalement été levé, un accord de dernière minute ayant été conclu avec le principal syndicat.

« Un accord a été trouvé, le SNCTA lève son préavis », a expliqué mercredi l'organisation dans un court message sur son site internet, à l'issue d'une conciliation de « dernière minute » avec la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Cette annonce d'un accord de fin de crise par le SNCTA (60% des voix aux dernières élections), avait ainsi laissé espérer un allègement des contraintes pesant sur les compagnies aériennes. Trop tard pour éviter les perturbations, d'autant que les trois autres syndicats d'aiguilleurs du ciel, l'Unsa-ICNA, l'Usac-CGT et le Spac-CFDT ont maintenu leur préavis.

Quasi autant de perturbations que prévu

Près de 2.600 vols au départ ou à l'arrivée d'un aéroport français sont donc prévus pour la journée, contre près de 5.200 la veille, selon le tableau de bord de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) consulté par l'AFP.

Pour mettre en adéquation les effectifs disponibles et le trafic, l'aviation civile française avait, en effet, demandé aux compagnies de supprimer trois vols sur quatre au départ ou à l'arrivée de Paris-Orly, le deuxième aéroport français ; 55% à Roissy-Charles-de-Gaulle, le premier, 65% à Marseille-Provence et 45% sur toutes les autres plateformes de France métropolitaine. A Lyon-Saint-Exupéry, le taux d'annulation est bien respecté, les long-courriers étant en revanche épargnés, selon les services de l'aéroport.

Pour les vols maintenus, les retards restent en revanche modérés, selon la DGAC, l'aéroport d'Orly étant une nouvelle fois le plus touché avec un retard moyen de 44 minutes à l'arrivée et de 26 minutes au départ.

« Très peu de personnes viennent dans les aéroports attendre un hypothétique avion », a-t-on observé au sein de l'aviation civile.

Ce mouvement social français a également des conséquences sur les vols amenés à survoler le territoire français, l'activité de cinq centres en route de la navigation aérienne (CRNA), qui gèrent les trajectoires des appareils survolant le territoire, étant elle aussi affectée.

« Des centaines de milliers de passagers (sont) dans le flou », a déploré la principale association de compagnies aériennes du Vieux Continent, Airlines for Europe, qui a a évoqué plus de 2.000 vols annulés et 1.000 risquant de devoir se dérouter au prix de « retards et perturbations supplémentaires ».

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Le nombre de vols prévus de survoler la France jeudi était de près de 6.800, contre 9.000 la veille, selon la DGAC. Là aussi, les retards pour les avions survolant la France sont qualifiés de « léger à modérés » selon l'organisme Eurocontrol mais d'« élevés », soit supérieurs à 45 minutes, dans le sud-est de la France.

Les compagnies low-cost qui multiplient les rotations dans l'espace européen sont les plus touchées. Ryanair a annulé à lui seul « plus de 300 vols » jeudi, easyJet et Transavia 200 chacune.

« Depuis cinq ans, la Commission européenne dirigée par Ursula von der Leyen n'a pris aucune mesure pour protéger les survols et le marché unique du transport aérien. Nous lui demandons à nouveau de prendre des mesures pour protéger les survols, ce qui permettrait d'éliminer plus de 90 % de ces annulations », a appuyé de son côté Michael O'Leary, PDG de Ryanair.

Augmenter les salaires

Le principal syndicat des aiguilleurs du ciel menaçait, en outre, d'une nouvelle grève pour le pont de l'Ascension les 9, 10 et 11 mai. En effet, la négociation, entamée il y a 15 mois, prévoit de refondre l'organisation du contrôle aérien en France, notamment le maillage territorial des services de navigation aérienne, de réorganiser le travail des contrôleurs pour faire face à l'augmentation annoncée du trafic aérien.

Dans ce contexte, le SNCTA voulait « accompagner cette recherche de performance » via des hausses de salaires qui les feraient converger vers les « standards sociaux européens », plaidait-il, en soulignant que l'opération serait blanche pour le contribuable français puisque le budget de la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) est abondé par les redevances acquittées par les compagnies aériennes. Dans le détail, le SNCTA réclamait 25% de hausse des rémunérations, étalées sur les années 2023-2027, ce qui laisserait selon lui de la marge à la DGAC pour continuer à investir.

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Un argumentaire dénoncé par Pascal de Izaguirre, président de la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam) et PDG de Corsair. Ce coût supplémentaire « serait répercuté in fine sur le passager », expliquait-il lundi. Sans compter que cela constituerait « un élément supplémentaire de dégradation de notre compétitivité » car ce coût est « supporté majoritairement par les compagnies françaises », a souligné le dirigeant.

Championne d'Europe des grèves

Le trafic aérien a déjà été très perturbé par des grèves d'aiguilleurs du ciel début 2023, lors du conflit sur les retraites en France. Ces mouvements sociaux affectent aussi les survols du territoire, ce qui suscite l'ire des compagnies étrangères.

D'après Pascal de Izaguirre, la France est même championne d'Europe des grèves du contrôle aérien avec un impact sur les finances du secteur aérien européen de 800 millions d'euros pour la période 2018-2022, dont 624 millions pour la France seulement. À titre de comparaison, à la deuxième place de ce classement se retrouve l'Italie où les grèves ont représenté un manque à gagner de 147 millions d'euros sur la même période, puis la Grèce, avec 22 millions d'euros, toujours selon les chiffres avancés par la Fnam.

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Une inquiétude planait alors quant aux JO 2024. Mais en septembre 2023, le SNCTA et l'Unsa ICNA, deuxième syndicat chez les aiguilleurs du ciel, ont décrété une trêve olympique, promettant de ne pas faire grève pour des raisons salariales d'ici à la fin des Jeux olympiques (26 juillet au 11 août) et paralympiques (28 août au 8 septembre). « On découvre qu'elle n'était que partielle », a ironisé Pascal de Izaguirre, confiant tout même ne pas être inquiet pour la période de compétition elle-même.

Le secteur s'attend, qui plus est, à un été « dynamique ». Sur les trois premiers mois de l'année, le trafic aérien de, vers, et en France a atteint 96% de celui de 2019 à la même période.

(avec AFP)

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