Dans sa quête d'économies, le gouvernement ne fait de cadeaux à personne. Preuve en est avec la prime de Noël, dont l'exécutif entend réduire le champ des personnes éligibles, selon la version initiale du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Jusqu'à présent versée à tous les bénéficiaires des minima sociaux, elle ne serait désormais attribuée qu'aux allocataires ayant des enfants.
Interrogé ce mardi sur France Inter, le ministre du Travail et des Solidarités, Jean-Pierre Farandou, a assumé cette proposition et l'a justifiée par « l'état des comptes de la Sécurité sociale », dont le déficit devrait atteindre 23 milliards d'euros en 2025 d'après la Cour des comptes. « Si on n'a pas le courage de s'attaquer à bras-le-corps à [l']équilibre (de son budget), ça va déraper », estime le ministre.
L'ancien patron de la SNCF, locataire du ministère de la rue de Grenelle depuis bientôt un mois, s'est néanmoins dit « ouvert » à supprimer cette mesure si elle est compensée par une « économie » ou « des recettes ». Mais selon lui, l'« époque de générosité sur toutes les politiques sociales » est révolue. « L'État français a été très généreux et tant mieux (...) Je pense que, maintenant, il faut faire attention. Je ne suis pas sûr que notre pays ait les moyens de poursuivre ces politiques de générosité maximale. Il faut donc accepter un recentrage », a-t-il avancé.
Lire aussiLe budget 2026 va mettre à l'épreuve le pouvoir d'achat de certains apprentisUne vision qui ne fait pas l'unanimité. Le coordinateur de La France insoumise (LFI) a qualifié cette proposition du gouvernement d' « ignoble ». « Même s'ils n'ont pas d'enfants », les bénéficiaires de minima sociaux « ont une famille » et « c'est sur ces gens-là qu'on va faire des économies », a déploré Manuel Bompard sur France info.
Une exclusion que ne comprend pas non plus le Secours populaire. La prime de Noël « vient souvent compléter un découvert bancaire » ou « aider à payer une facture d'énergie », a réagi sur France Inter Nicolas Champion, secrétaire national chargé des solidarités de cette association qui lutte contre la précarité en France. Et d'ajouter : « C'est souvent une mesure qui permet de maintenir la tête hors de l'eau. Et ce n'est pas forcément obligatoirement pour un cadeau en plus (...) Il ne faut pas qu'on limite la vision de la précarité aux foyers où il y a des enfants ».
La création de la prime de Noël remonte à près de 30 ans en arrière. En décembre 1997, six mois après son arrivée à Matignon, le Premier ministre Lionel Jospin annonce cette mesure pour tenter de calmer le premier conflit social auquel son gouvernement de coalition, rassemblant les forces parlementaires de gauche, est confronté, rembobine France Culture dans un épisode de son podcast « La bulle économique ».
À l'approche de la nouvelle année, des dizaines de milliers de chômeurs et chômeuses manifestent pour dénoncer leur fin de mois difficile et réclamer, d'une part, la revalorisation des minima sociaux et, d'autre part, une prime de Noël de 3 000 francs, l'équivalent aujourd'hui de 550 euros en prenant en compte l'inflation. « La prime, on peut l'appeler de Noël, du 14 juillet, de Pâques, mais la prime on la veut et la prime on l'aura ! », scandait ainsi François Desanti, alors secrétaire général du comité national CGT de lutte et défense des chômeurs et précaires (CGT-Chômeurs).
Les manifestants ont obtenu gain de cause... en partie. Les minimas sociaux ont bien été revalorisés et une prime accordée aux bénéficiaires du RMI, l'ancêtre du RSA, ainsi qu'aux chômeurs les plus en difficulté. 1 000 francs à l'époque, soit 152 euros aujourd'hui.
Lire aussiDerrière la hausse des aides aux travaux énergétiques, le risque d'une facture plus salée pour les ménagesCe montant n'a quasiment pas varié depuis, malgré la hausse des prix depuis 2000. Exception en 2008 où la prime habituelle a été complétée d'une « aide forfaitaire de 67,55 euros », portant le tout à 220 euros cette année-là, comme l'indique la Banque des Territoires.
Si le montant de 2025 n'a pas encore été communiqué, rien ne laisse penser qu'il sera différent des 152,45 euros des années précédentes - le niveau est toutefois progressif en fonction de la composition du foyer, selon un tableau de la Caisse d'allocations familiales disponible sur son site Internet.
Une revalorisation de la prime de Noël a bien été réclamée dans le passé par certains syndicats, dernièrement en 2022 quand l'inflation a grimpé en flèche, portée par l'explosion des prix de l'énergie. Le gouvernement n'y a pas répondu favorablement à l'époque, et semble encore moins disposé à le faire aujourd'hui.
2025-11-04T16:30:47Z