LA FILIèRE DU COGNAC FRANçAIS EN ATTENTE D'UNE SOLUTION DIPLOMATIQUE ENTRE LA FRANCE ET LA CHINE

La filière du cognac, qui se dit "otage" des tensions entre l'UE et Pékin, mise sur la rencontre entre Emmanuel Macron et Xi Jinping, lundi et mardi, pour obtenir la suspension d'une enquête antidumping la ciblant en Chine, son deuxième marché. Depuis janvier, le spiritueux charentais est visé, comme toutes les eaux-de-vie de vin importées d'Union européenne, par une enquête des autorités chinoises sur une infraction supposée à la concurrence. Lancée après une plainte de professionnels de l'alcool chinois, cette procédure est également considérée par les observateurs comme une mesure de rétorsion à une enquête européenne, largement soutenue par la France, sur les subventions aux voitures électriques produites en Chine. Pour Jean-Marc Figuet, professeur à la Bordeaux School of Economics et spécialiste du marché vinicole, Pékin a agi "en fin stratège" en "ciblant" le cognac, "un secteur largement excédentaire dans une agriculture française en crise, qui touche une région bien précise".

Une filière ultra-dépendante de l'export

Avec un quart de ses bouteilles expédiées en Chine, son principal marché après les États-Unis, cette filière ultra-dépendante de l'export (98% des ventes) craint désormais une hausse des droits de douane, à l'image de celle subie par les vins australiens ces dernières années, indique son interprofession.

"On est un peu le thermomètre des relations bilatérales avec la Chine et on a le sentiment d'être totalement pris en otage" dans les tensions commerciales actuelles, estime Raphaël Delpech, directeur général du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Selon lui, les producteurs du spiritueux participent "de façon rigoureuse" aux questionnaires "extrêmement détaillés" réclamés par Pékin mais "la crainte, c'est d'avoir raison sur le plan juridique, sans être écouté au niveau politique".

"C'est une enquête qui est fastidieuse et qui nécessite de monopoliser des équipes entières et ça coûte déjà pour des grandes maisons des centaines de milliers d'euros. Ce qui plane sur nos tête c'est des éventuelles taxes qui pourraient être catastrophiques pour la région", explique sur BFMTV ce lundi, Florent Morillon, président du bureau national interprofessionnel du Cognac.

Le président chinois, Xi Jinping, est attendu en France les 6 et 7 mai pour célébrer 60 ans de relations diplomatiques lors d'une visite d'État. La filière du cognac, qui dit représenter 72.500 emplois en France et 3,35 milliards d'euros d'exportations, mise sur cette rencontre avec le président français Emmanuel Macron pour "aboutir à la suspension" de l'enquête antidumping. Pour Anthony Brun, président du syndicat des viticulteurs de cognac, "il faudra absolument trouver des solutions lors de ces discussions" car "on sait qu'on n'a rien à se reprocher". "La question du cognac fait en effet l'objet de la plus grande attention de la part des autorités françaises et au premier rang desquelles le président de la République, a déclaré l'Elysée à des journalistes. Cette question sera abordée lors des échanges afin de s'assurer que les intérêts français sont préservés pendant et à l'issue de la procédure lancée par les autorités chinoises". S'il est encore "trop tôt" pour mesurer l'impact de la procédure depuis janvier, la filière redoute de voir ses positions commerciales "s'effriter" en Chine, après une année 2023 en recul dans le monde. L'an passé, les exportations sont tombées à 165,3 millions de bouteilles contre 212,5 millions en 2022, performance qui était déjà en retrait de 4,8% par rapport à 2021.

Diminution des importations aux Etats-Unis

Selon les professionnels, ce recul s'explique par un "contexte difficile" avec l'inflation, les consommateurs se détournant d'un produit de luxe lorsque le pouvoir d'achat baisse, et par la diminution des importations des États-Unis (-45%), encore en train d'écouler les stocks accumulés durant les années de pandémie. Pour l'économiste Jean-Marc Figuet, après des années florissantes, le cognac, "très dépendant de la croissance mondiale", a surtout connu "une conjonction d'événements défavorables", sans subir de "crise structurelle". Mais "sans solution diplomatique entre la France et la Chine", et avec le possible retour au pouvoir aux États-Unis de Donald Trump, qui avait déjà menacé de cibler les vins français dans le passé, "le contexte pourrait devenir plus compliqué" à l'avenir, avertit-il.

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