DéFILé DU 9-MAI: QUEL EST LE POIDS DE L'INDUSTRIE MILITAIRE RUSSE TROIS ANS APRèS LE DéBUT DE LA GUERRE EN UKRAINE ET DES SANCTIONS?

C'est un défilé qui se veut de puissance. Aux côtés des antiques chars T-34 datant de la Seconde guerre mondiale, la Russie a également fait défiler ce vendredi 9 mai des véhicules d'artillerie 2S44 Hyacinth-K et 2S43 Malva, drones Orlan-10 et -30, ainsi que des missiles intercontinentaux. Vladimir Poutine veut ici donner l'image d'une armée solide alors que trois ans après le début de la guerre en Ukraine et donc des sanctions internationales, beaucoup de questions se posent sur l'état du secteur de la défense en Russie.

Les données du Stockholm international peace research institute (SIPRI) indiquent que la Russie aurait déboursé 149 millions de dollars en 2024 pour s'équiper en matériels militaires, en soulignant que "l'opacité croissante" depuis 2022 rend difficile une estimation précise des dépenses de défense.

Selon Isabelle Facon, directrice adjointe à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la Russie, il est en effet aujourd'hui "difficile d'évaluer les capacités réelles de l'industrie de l'armement russe", indique-t-elle dans une étude publiée en 2024.

Une industrie fragilisée

La chercheuse explique qu'il y a eu un "avant" et un "après" 2022 pour l'industrie de l'armement russe. Le complexe industriel russe de défense a d'abord "surpris par une force de résilience et une capacité de rebond", alors qu'il faisait face à plusieurs enjeux: la difficulté de produire des matériels ne se basant pas sur des technologies "issues de l'héritage soviétique", la dépendance aux importations (machines-outils, semi-conducteurs, électronique) et la mauvaise santé financière générale.

Si Vladimir Poutine a incité à une mobilisation accrue depuis septembre 2024 pour compenser les pertes sur le territoire ukrainien, l'industrie militaire reste toutefois dans une situation contrastée: la hausse de la cadence de production reste "sujette à caution".

Pour contourner les sanctions internationales, la Russie a dû se tourner vers des pays "rebonds" pour se procurer matériels et composants occidentaux, indique-t-on au ministère des Armées.

"Pour autant, les schémas de contournement empruntés sont complexes et onéreux et les biens acquis auprès d’autres pays, souvent de moindre qualité", précise le ministère des Armées à BFM Business.

Autre solution pour soutenir l'effort de guerre: le recours à des pays alliés - également sous le coup de sanctions internationales. La Russie bénéficie ainsi de l'appui de l'Iran et de la Corée du Nord. Ces deux pays ont fourni des munitions, obus, de l'artillerie et même des missiles, selon Le Grand Continent. Ils auraient même procédé à des rachats de pièces de rechange pourtant déjà livrées.

Tenir dans la durée

Selon les estimations du ministère des Armées, grâce à ces changements stratégiques et "à la forte mobilisation de son économie au service de l’effort de guerre", la Russie produirait "davantage que tous les pays d’Europe réunis" quand on parle de la plupart des catégories de "matériels et munitions". Mais le ministère tempère cette puissance, indiquant que "la puissance économique et industrielle relative de la Russie demeure moyenne".

Les investissements dans l'industrie de l'armement étant réalisés "au détriment d'autres secteurs", le tissu industriel se retrouve déséquilibré et fragilisé. La nécessité de conjuguer financement de l'effort de guerre et paix sociale entraîne notamment de l'inflation, ajoute le ministère des Armées. De plus, le recours aux stocks de l'ère soviétique n'étant pas illimité, l'industrie russe de l'armement se trouve face au défi de poursuivre la production dans la durée.

Ayant été sommée de prioriser les besoins de l'armée nationale, les activités export du complexe militaro-industriel aurait diminué de moitié. La Russie cherche ainsi à nouer des partenariats technologiques. Elle produit ainsi sous licence le Geran 2, copie russe produite sous licence du drone iranien Shahed et bénéficierait du soutien de la Chine dans l'équipement du drone d'attaque Garpia A1, intégrant des moteurs chinois.

Le Grand Continent indique que l'industrie militaire russe doit également faire face à une pénurie en termes de main d'œuvre, ouvriers comme ingénieurs, et doit donc intensifier la charge de travail - une mesure qui n'est pas sans conséquence sur la qualité de production.

2025-05-09T09:14:13Z