50 ANS DE ZARA: COMMENT L'INVENTEUR DE LA FAST FASHION EST MONTé EN GAMME SANS OUBLIER SES FONDAMENTAUX

C'est un succès mondial et une fierté nationale en Espagne: la première boutique de la marque Zara fête ses 50 ans.

Aujourd'hui, le géant du textile et la galaxie Inditex pour Industria de Diseño Textil (Zara, Zara Home, Massimo Dutti, Bershka, Pull and Bear, Stradivarius, Uterqüe, Oysho) pèse pas moins de 164 milliards d'euros de capitalisation.

En 50 ans, la petite marque de textile est devenu un géant, elle est surtout à l'origine de ce qu'on appelle la fast-fashion ou mode éphémère.

Mais force est de constater qu'aujourd'hui, si Zara continue d'appliquer à la lettre les recettes marketing de cette mode à haute vitesse, sa montée en gamme la rapproche plus des marques de moyenne gamme que des Shein ou des Primark.

38 milliards d'euros de revenus pour Inditex en 2024

Résultat, alors que le secteur du textile peine, que de multiples marques disparaissent, Zara affiche une santé insolente. Sa maison mère affiche un chiffre d'affaires 2024 en hausse de 7,5% à 38 milliards d'euros pour un résultat net de presque 5,9 milliards contre 5,4 un an plus tôt. Qui dit mieux?

Il faut revenir en arrière pour comprendre les clés du succès de Zara. En 1963, son créateur Amancio Ortega (qui n'a jamais accordé la moindre interview), sa femme et son frère gèrent un petit atelier à La Corogne en Galice, spécialisé dans la confection de pyjamas et de robes de chambre.

Très vite, il a une sorte d'intuition: alors que le secteur du textile s'organise selon deux collections saisonnières, avec des stocks, Amancio Ortega a l'idée de collections qui se renouvellent au fil de l'eau, rapidement, au gré des tendances, avec des prix bas et peu de stocks. La "fast fashion" est née, un nom inventé par le New York Times en 1989 dans un article évoquant le succès de la marque espagnole.

Comment ça marche? Les modèles sont d'abord créés par une armée de designers maison puis fabriqués en toute petite série, testés, et adaptés en fonction de la demande. Les collections sont renouvelées quasiment tous les mois et les stocks (foyer important de coûts dans cette industrie) quasiment inexistants.

Du design aux rayons, on ne compte que six semaines, les arrivages en boutiques se font deux fois par semaine. C'est cette vélocité qui explique le succès de la marque.

Par ailleurs, le groupe décide de ne pas faire de publicité (ou très peu), peu de promotions et de soldes, pour faire des économies et installe une grande proximité avec les confectionneurs/fabricants plutôt situés sur le bassin méditérrannéen pour une réactivité maximale.

Un pas de côté salvateur

La première boutique estampillée Zara ouvre donc il y a 50 ans à La Corogne en 1975, et le succès est au rendez-vous. D'autres ouvertures suivent et une première boutique est ouverte hors de l'Espagne, à Porto au Portugal en 1988 puis à New York en 1989. On comptera au maximum 1.800 boutiques Zara dans le monde.

Dans le même temps, si Amancio Ortega optimise son approche marketing, il fait en sorte que Zara ressemble aux grandes marques de la mode. Cela passe par une inspiration des modèles de marques prêt à porter plus haut de gamme (du plagiat, diront certains) et par un soin apporté aux boutiques qui reprennent certains codes du haut de gamme.

Ce succès donne des idées. A la même époque, se lancent les géants comme H&M puis débarquent les rouleaux-compresseurs que sont Primark, Shein ou Temu avec des prix encore plus bas, des collections plus rapidement renouvelées.

De quoi faire naître les premières polémiques sur la fast-fashion (qu'on qualifie désormais d'ultra fast fashion) et ses désastreuses conséquences sur le climat, le travail des enfants, la pollution, la consommation effrénée d'eau etc... La marque espagnole n'échappe pas à cette vague de critiques contre la fast fashion. Car si elle fait fabriquer en Afrique du Nord, elle sollicite également des ateliers en Asie.

Contreverses

En 2020, Zara est ainsi accusée comme d'autres grandes marques (Uniqlo...) de contribuer à l'exploitation et la torture des Ouïghours dans des camps d'internement au Xinjiang en Chine. En avril 2021, des ONG portent plainte en France contre quatre fabricants dont Zara et une enquête est ouverte.

En 2023, une étude menée conjointement par l'Université d'Aberdeen et l'association britannique pour le commerce équitable Transform Trade publiée par The Guardian souligne que les tarifs payés par les grands groupes de la fast fashion à leurs fournisseurs bangladais avaient été revus à la baisse pendant la crise sanitaire, que des commandes avaient été annulées. Pire, depuis la fin des confinements, ces tarifs n'auraient jamais été réévalués.

En 2024, l'ONG britannique Earthsight accuse H&M et Inditex de participer à la déforestation au Brésil. Le coton des vêtements, censé être certifié "durable" serait issu du "pillage de Cerrado".

Le géant nie ces accusations et promet désormais d'utiliser des matériaux plus durables, et même d'être neutre en émission carbone d'ici à 2040, un défi de taille pour un secteur gourmand en ressources.

Concernant ses fournisseurs, Inditex assure avoir "garanti le paiement de toutes les commandes déjà passées et en cours de production et avoir travaillé avec les institutions financières pour faciliter l'octroi de prêts aux fournisseurs à des conditions favorables".

Montée en gamme, diversification, numérisation et hausse des prix

Zara a progressivement fait évoluer sa stratégie avec un pas de côté vers la montée en gamme. La marque réduit ainsi le nombre de ses boutiques, mise sur de beaux flagships dans les quartiers huppés, joue la carte des collaborations avec des créateurs, de la diversification (Maison, Hommes, parfum, recyclage des produits, espace Zacaffé). En février dernier, elle lançait par exemple Zara Hair avec EveryDay Basics, une gamme de soins capillaires.

L'accent est également mis sur la vente en ligne avec un accent sur la personnalisation et les synergies avec les boutiques (en réservant des cabines d'essayage par exemple). Surtout, elle initie une remontée de ses prix face à des concurrents toujours moins chers. En estimant que la qualité n'est pas incompatible avec la fast fashion, Zara s'éloigne ainsi progressivement de l'entrée de gamme pour se rapprocher de marques plus conventionnelles. Une stratégie qui lui permet de conserver encore aujourd'hui sa place de premier détaillant de mode au monde.

2025-05-09T15:44:05Z